Tu t'envoles, tu t'envoles, tu t'envoles !

#3 : Une plongée dans nos cahiers d'écolier

Les lettres d'Élise
5 min ⋅ 05/02/2025

Bonjour bonjour !

Me revoilà avec une nouvelle histoire, et cette fois, on plonge dans une histoire pour enfant. Pour tout vous dire, cette petite histoire est née il y a longtemps, quand j’usais mes genoux sur le bitume de la cour d’école. Je me souviens encore du cahier Seyes dans lequel j’avais collé mes personnages, entre deux ratures et trois gribouillages. Il y a quelques temps, cette histoire est revenue à ma mémoire et j’ai tenté de la mettre en mots, mêlant mon écriture d’adulte et mon imagination d’enfant.

Si l’envie vous prend, n’hésitez pas à partager cette aventure avec vos enfants, petits-enfants, neveux, nièces, amis, ou tout autre marmot de votre entourage !

Enfin si cette histoire vous plaît ou vous inspire, pensez à la diffuser autour de vous.

PS : l’illustration de cette lettre est de Kazuo Iwamura, le papa de La Famille Souris, décédé à la fin de l’année 2024. Si vous ne connaissez pas cet auteur jeunesse, je vous le recommande chaudement. Que vous soyez parent ou non, ses livres plein de poésie, de douceur et d’inventivité sont un régal pour les yeux et le cœur.

Et si vous aimez la famille Souris, dites-moi quel est votre titre préféré !!! (il vous suffit de répondre directement à ce mail 😊).

Place à la lecture !

__________________________________________________

Alizée veut être danseuse étoile

Le soir tombe, la douce lumière de l’automne enveloppe la cour de récré devenue calme. La maîtresse range et prépare la classe pour le lendemain. Sur le bureau de Nora, le cahier de brouillon est ouvert. La petite élève y a collé plusieurs feuilles aux belles couleurs de la saison. Intriguée, la maîtresse s’assied devant le petit bureau et commence à tourner les pages. Les feuilles rouges, orange, jaunes racontent une incroyable aventure : l’histoire d’Alizée, la petite feuille qui voulait devenir danseuse étoile.

Alizée est une petite feuille de bouleau d’un rouge chatoyant. Elle adore danser et rêve de devenir danseuse étoile. Pour cela, elle s'entraîne tous les jours avec passion. Elle se dresse sur son pétiole, tourne une fois, deux fois mais elle chute au troisième tour. Malgré tous ses efforts, elle ne parvient pas à tournoyer comme les plus grandes feuilles autour d’elle.

Elle cherche le vent, s’élance, réussit à faire quelques tours mais à la fin, elle retombe toujours par terre. Alors, elle continue de s’entraîner, s’étire, tente une nouvelle pirouette puis, un peu découragée, elle finit par s’asseoir pour regarder les grandes feuilles de platane qui ondulent élégamment dans le vent. Qu’elles sont gracieuses ! Qu’elles semblent légères ! Mais les grandes feuilles sont aussi moqueuses et pouffent entre elles en montrant du doigt Alizée, le nez par terre.

Un jour, alors qu’elle s’est faite toute petite pour observer les grandes danseuses, le terrible sorcier Balai-de-Paille déboule bruyamment en faisant de grands gestes : « Assez ! Assez ! Il y en a assez de vous voir voler partout, satanées feuilles. Je vais toutes vous emporter loin d’ici ! Je ne veux plus vous voir tournoyer devant chez moi ! »

D’un coup, il pousse toutes les feuilles, les attrape et les met dans une grande brouette. Puis il pousse la brouette en s'éloignant vers le fond de la cour. Heureusement, la petite Alizée, cachée dans un coin, a réussi à échapper au sorcier Balai-de-Paille.

— Oh là là, Balai-de-Paille a emporté toutes les feuilles ! Je ne sais pas ce qu’il va en faire, mais ça ne me dit rien qui vaille. Qu’est-ce que je pourrais bien faire pour les délivrer ? Je suis toute petite et je ne sais même pas tournoyer dans les airs ! Pourtant, il faut que je les aide ! Le sorcier ne peut pas les garder prisonnières !»

C’est alors qu’elle pense à Super Mistral, le super-héros des grands vents, dont sa petite sœur Ondée et ses copines parlent tout le temps.

—   Il faut que j’aille le trouver, se dit-elle. Je suis sûre qu’il pourra sauver mes amies. D’après Ondée, il habite tout en haut des grands pins. 

Alizée lève le nez vers le ciel. Les pins sont si hauts et elle est si petite ! Mais elle ne perd pas espoir et commence l’ascension. Mètre après mètre, saut après saut, Alizée arrive aux premières branches des arbres. Elle s’assied pour se reposer un peu et repart après un bref répit. L’ascension est difficile. Elle n’ose pas regarder en bas, de peur d’être attirée par le sol. De cette hauteur, elle pourrait tournoyer si longtemps ! Faire tant et tant de tours ! Elle se demande bien pourquoi elle se donne tant de mal pour ces grandes feuilles qui se moquent sans cesse d’elle et de ses minuscules pirouettes.

Elle repense alors au sorcier, avec son regard terrible et ses longs bras de paille. Non, elle ne peut pas laisser les grandes feuilles en sa possession ! Elle recommence à monter, en appelant : « Super Mistral ! Super Mistral, j’ai besoin de toi ! »

Mais rien, pas un souffle de vent. Alors Alizée monte, vole, s’accroche comme elle peut aux petites branches et aux épines des conifères.

— Super Mistral, si tu es là, c’est le moment de te manifester, énonce-t-elle à voix haute.

Tout à coup, dans un grand coup de vent, Super Mistral arrive ! Il se pose devant Alizée, impressionnée. Il est comme sa sœur le lui a décrit : grand, fort, avec un brushing du tonnerre… Il regarde Alizée et dit, d’une toute petite voix : 

— Salut petite feuille. Tu as besoin de moi ?

La petite feuille se retient de rire : le Super Héros dont toutes les feuilles parlent à longueur de journée a une voix plus fluette qu’une crevette.

— Je vois bien que tu rigoles, la coupe Super Mistral. Mais que veux-tu, à force de passer mes journées dans le vent, j’ai mal à la gorge !

—  Tu as mal à la gorge, mais tu es toujours costaud ?

—  Ça, ne t’inquiète pas, je suis un vent qui décoiffe ! Avec moi, les foulards s’envolent et les feuilles tourbillonnent.

—  C’est exactement de ça dont j’ai besoin. Le sorcier Balai-de-Paille a capturé toutes les grandes feuilles de platane et les a emportées quelque part. Il faut les sauver !

— D’accord, petite feuille, on va faire équipe. Comment tu t’appelles ?

— Je m’appelle Alizée.

—   Eh bien, Alizée, monte sur mon dos et allons sauver tes amies.

Alizée se fait la réflexion que ce ne sont pas vraiment ses amies, mais si cela lui permet de monter sur le dos de Super Mistral, ce n’est pas grave.

 Ils s’envolent tous les deux et inspectent la cour de long en large. Tout à coup, Alizée crie :

— Là-bas, le gros tas près du cabanon ! Je suis sûre qu’elles sont là.

—  On va aller voir de plus près, accroche-toi.

Super Mistral plonge vers le sol, Alizée toujours agrippée à son dos, et s’approche du tas de feuilles amassées par le gardien. Aplaties et enchevêtrées les unes dans les autres, elles essayent de s’en échapper. Mais plus elles se débattent, plus elles s’emmêlent. Et plus elles s’emmêlent, plus elles se débattent. Super Mistral se rapproche encore et fonce dans le tas de feuilles. Il lance de grands coups de vent et les feuilles s’envolent dans une ronde étourdissante.

—  Bravo, Super Mistral ! Tu les as libérées ! S’écrie joyeusement la petite feuille

—  Tout ça, c’est grâce à toi Alizée. Tu as été très courageuse, dit-il en la posant sur le sol.

Doucement, il souffle alors en direction de la petite feuille qui se met à tournoyer, plus haut, plus haut. Elle fait des tours et des tours, virevolte et glisse dans le vent sous les yeux ébahis des autres feuilles d’automne.

—  Regardez, s’écrie l’une d’elles. Regardez Alizée, c’est une vraie danseuse étoile !

—  Merci, Super Mistral, merci, dit la petite feuille dans un éclat de rire que le vent propage dans toute la cour.

FIN.

La maîtresse referme le cahier de Nora en souriant, puis se lève du petit bureau. En regardant dehors, elle aperçoit M. Jean, le gardien, qui s’apprête à balayer la cour. Elle ouvre la fenêtre et l’appelle :

— Monsieur Jean ! Vous pourriez ne pas balayer les feuilles ce soir ? Elles sont si jolies dans le vent. S’il vous plaît.

Intrigué, monsieur Jean hoche la tête et va ranger son balai, bien content d’échapper ce soir-là à cette corvée. Un peu plus tard, il referme la grille de l’école derrière la maîtresse qui vient de sortir. Une bourrasque traverse la cour, soulevant les feuilles dans un ballet gracieux. La maîtresse sourit en pensant à toutes les petites danseuses étoiles qui virevoltent sous ses yeux. 

_____________________________________________

Rendez-vous au prochain numéro. Dans le prochain récit, on part dans un univers dystopique et ce ne sera plus du tout à destination des enfants.

Les lettres d'Élise

Les lettres d'Élise

Par Élise Émoi

Parce qu’il est temps de partager les mille et une fictions, courtes ou plus longues, qui peuplent ma tête, j’ai créé les Lettres d’Élise.

Quelques lignes, quelques pages pour laisser l’histoire vous emporter, à partager sans modération.