#2 : Ou le monstre n'est pas toujours là où l'on croit
Bonjour à vous !
Eh bien, je dois dire que j’étais loin de m’attendre à tous ces retours positifs alors avant tout chose : merci, merci, merci ! Vous avez été enthousiastes dès le lancement de ce projet un peu impressionnant pour moi, enthousiastes dès la première lecture et vos retours ont été très encourageants alors MERCI !
Maintenant, place à la suite des aventures d’Annette et ses amies, Zoé, Clara et Jeanne, à la recherche du monstre sous le lit. Pour mémoire, dans l’épisode précédent, les quatre ados de 13 ans sont enfermées dans un manoir un peu sordide et doivent trouver la sortie de l’escape game.
Elles ont trouvé un indice important : il faut trouver le monstre sous le lit !
Si vous voulez relire l’épisode en entier, c’est par ici : https://leslettresdelise.kessel.media/posts/pst_ed01acefb0f54ecfabcc3d80da2be4b9/entrez-et-laissez-ouvert
Et si cette histoire vous plaît ou vous inspire, n’hésitez pas à la partager autour de vous.
Bonne lecture.
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Un monstre sous le lit : Trouvez la sortie - partie2
La troisième chambre est une chambre d’enfants, elle aussi d’une autre époque. Sur la droite, deux lits jumeaux séparés par une table de nuit avec une petite lampe à l’abat-jour en toile tendue. L'ampoule éclaire par intermittence. Sur la gauche, une grande armoire et des paniers remplis de peluches et de poupées vêtues de robes en dentelles et tissus fleuris. Au milieu, une petite table entourée de ses deux petites chaises, et sur la table un puzzle en cours de réalisation et d’un pot à crayons.
— Vous croyez que c’est dans une chambre pareille qu’on va trouver un monstre sous le lit ? demande Zoé. Ce serait un peu bizarre.
— C’est mon tour, je vais voir, dis-je en respirant un grand coup et en prenant la lampe des mains d’Annette.
Je m’accroupis entre les deux lits, regarde sous le premier. Rien. Sous le deuxième, en revanche, j’aperçois une forme étrange. J’ajuste le faisceau de la lampe pour mieux comprendre.
— J’ai trouvé ! Je ne m’attendais pas à ça mais j’ai trouvé.
Je me relève en tendant vers mes trois amies une grosse peluche bleue. C’est un doudou en forme de monstre, avec des cornes, pareil au héros du film pour enfant.
— Quoi, c’est ça, le monstre qu’on devait trouver ? s’étonne Clara d'un air déçu.
Elle me prend la peluche des mains, la retourne dans tous les sens pour trouver un message caché. À ses côtés, Annette semble figée. Elle fixe intensément le monstre doudou.
— C’est… c’est vraiment bizarre, dit-elle.
— Qu’est-ce qu’il y a, Annette, demande Zoé. T’as jamais vu de doudou de Monstres et Compagnie ?
Elle gratouille la tête de la peluche comme si c’était son chat.
— Si, justement. Il y avait une peluche exactement comme celle-là dans ma chambre d’hôpital le premier jour, explique-t-elle d’une toute petite voix. Je l’ai gardée avec moi pendant tout le séjour puis chaque fois que je devais y retourner. A la fin, il avait une corne un peu arrachée qui pendouillait, comme celui-ci.
Clara arrête de manipuler la peluche et nous constatons qu’une de ses cornes ne tient effectivement plus qu’à un fil. Les sourcils froncés, Clara demande :
— L’hôpital ? Qu’est-ce que tu racontes ?
Annette lève les yeux du doudou et fixe Clara. J’enlace mon amie d’un bras pendant qu’elle explique le cancer qui l’a rongée quand elle avait 8 ans, les opérations, les traitements, le crâne nu, les nuits de douleurs, puis la rémission, le retour à l’école, les copains qui ont peur et les amis qui restent, les cheveux qui repoussent et les rires qui reviennent. Je n’aime pas entendre Annette parler de cette horrible période, mais elle semble plus apaisée que moi pour dévoiler ce secret à Clara.
— Bon, mais tu vas bien maintenant, dit Clara d’une voix assurée. Je ne comprends pas pourquoi ils ont ressorti cette vieille peluche, c’est pas très sympa. En plus, il n’y a aucun indice pour la suite.
— Eh, regardez ce que j’ai trouvé ! s’exclame Zoé.
Tandis que nous parlions, elle est retournée inspecter le dessous des lits, intriguée par cette histoire de peluche dépourvue d’indices. Elle se relève, la lampe coincée sous le bras. Elle tient dans ses mains une étrange boîte en bois sombre. C’est un gros cube dont les faces sont gravées avec délicatesse. On dirait que la boîte scintille, comme si elle était entourée de la même douce lumière orange que j’ai vu dans l’escalier tout à l’heure. Zoé l’apporte près de nous. La boîte au centre de notre cercle brille de plus en plus.
— C’est sûrement là-dedans qu’on va trouver l’indice suivant, suggère Zoé avec confiance.
— Comment on l’ouvre ? questionne Annette.
Zoé tourne la boîte dans tous les sens puis nous la passe à chacune. Quand je l'ai dans les mains, j'observe ses faces avec attention. Chacune est finement gravée de licornes, de fées, d’arbres aux multiples ramifications. La boîte arrive dans les mains d'Annette. À cet instant, la porte de la chambre se ferme avec fracas. La lampe sur la table de nuit clignote rapidement puis s'éteint. Dans un courant d'air, les rideaux se ferment.
Nous échangeons des regards pleins d’inquiétude et resserrons notre cercle. Alors Annette appuie sur un bouton discret sur une des faces. Il fait un petit clic et la boîte s'ouvre doucement. Des milliers de grains de lumière en jaillissent. En un instant, toute la pièce est emplie de ces petits grains qui flottent dans l’air. Puis surgissent de la boîte des êtres fantastiques, des oiseaux aux longues queues multicolores, des fleurs comme on n’en a jamais vu, de tout petits papillons, enfin des fées qui déploient leurs ailes et volent tout autour de nous.
— Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? piaffe Clara, qui chasse de sa chevelure brune les papillons qui s'y emmêlent.
— C’est magnifique, dit Zoé les yeux écarquillés.
Je n’arrive pas à croire ce que je vois, je sens un frisson parcourir mon dos et mes bras. Je suis incapable de dire si c’est un trucage, une hallucination, ou bien incroyablement réel.
Une des fées, ailes déployées et couronne de fleurs sur la tête, vient se placer au centre de notre cercle. Elle est rejointe par trois autres fées, qui volettent doucement entre nous en émettant une chaleur apaisante. Une lumière diaphane nous enveloppe. Je reste bouche bée quand la première fée se met à parler :
— Félicitations, mesdemoiselles, vous avez ouvert la boîte d’Enlyr. Nous la gardions cachée depuis très longtemps. Aujourd’hui, vous l’avez enfin retrouvée. Cette boîte magique est la porte d’accès au monde des fées, un monde de lumière et de douceur, de quiétude infinie. Quand vous en aurez besoin, il vous suffira de vous isoler et d’ouvrir la boîte pour rejoindre notre monde. Nous vous accueillerons pour vous faire découvrir notre univers merveilleux.
— Nous ne pouvons rester plus longtemps parmi vous pour cette première fois, reprend une deuxième fée. Nous risquerions d’être découvertes. Mais si vous vous rendez dans un endroit bien caché, à l’abri des regards sceptiques, nous reviendrons pour vous.
— Vous avez retrouvé la boîte d’Enlyr, jeunes demoiselles, continue la troisième fée. Nous voici liées par la magie des fées. Désormais, nous serons toujours là pour vous. En particulier pour toi Annette. Maintenant, refermez la boîte et rejoignez vite la sortie. La porte du manoir va s’ouvrir, nous ne voulons pas que quelqu’un d’autre nous voit. A bientôt, jeunes filles.
A ces mots, les fées, les papillons, les oiseaux, toutes les créatures merveilleuses se mettent à voler en un ballet multicolore au-dessus de nos têtes. Ils tournent de plus en plus rapidement puis plongent dans la boîte de bois qu’Annette tient toujours dans ses mains.
— Attendez, ne partez pas, appelle-t-elle. Restez encore un peu…
Dans sa voix se mêle l’émerveillement, l’espoir et le regret de voir disparaître si vite ces êtres enchanteurs. Mais les grains de lumière rentrent à leur tour dans le cube de bois qui se referme avec le même petit clic. Nous restons silencieuses tandis qu’une lumière plus réelle emplit la chambre. Nous arborons toutes un grand sourire. Je sens des larmes d’émotion me monter aux yeux :
— Vous avez vu la même chose que moi, les filles ?
— C’était dingue, on a vu des fées ! s’exclame Zoé en sautillant de joie. Des fées, les filles, des vraies fées ! Elles étaient tellement belles.
— Mais n’importe quoi ! Vous ne croyez quand même pas que c’étaient de vraies fées ? rétorque Clara de sa voix grave et blasée. Enfin, redescendez sur Terre. C’était un trucage, des projections sur les murs, des hologrammes. Il y a sûrement des projecteurs un peu partout.
— Clara, on a toutes vu la même chose. Ce n’était pas un montage, on les a senties, je pouvais presque les toucher. Toi, tu avais des papillons plein les cheveux !
— Annette, pourquoi ont-elles dit qu’elles seraient là pour toi en particulier ? demande Zoé.
— Parce que c’est son anniversaire, tiens, réagit Clara. On est là pour elle, c’est fait exprès.
— Je n’en suis pas sûre, Clara, rétorque Annette.
Son silence brutal contraste avec la joie pure que nous venons de partager. Je croise son regard soudain triste. Nous avions convenu que nous gardions cette nouvelle pour nous, mais ce qui vient de se passer change la donne. Je me décide à prendre la parole et à expliquer ce que Annette n’arrive pas à dire :
— La maladie est revenue, Annette doit retourner à l’hôpital lundi.
Zoé porte la main à sa bouche en ouvrant grand les yeux.
— Mince, Annette, pourquoi tu nous as rien dit ? Tiens, prends la boite, c’est toi qui en a le plus besoin.
Elle enlace Annette et la serre fort dans ses bras.
— On sera à tes côtés, on est avec toi, ajoute-t-elle avec des sanglots qui pointent dans sa gorge.
Clara s’approche et enlace Annette à son tour. Nous nous serrons toutes dans les bras, la boîte, magique ou pas, au milieu de nous.
Après un temps, je secoue la peluche que j’avais gardée dans une main. Dans une tentative de détendre l’atmosphère, je la secoue et imite la voix du monstre gentil.
— Bravo, Annette, tu as trouvé le monstre sous le lit, tu vas pouvoir sortir de cette maison hantée.
A peine ai-je fini ma phrase qu’un haut-parleur résonne dans le couloir :
— Félicitations mesdemoiselles, vous avez trouvé le monstre caché sous le lit. C’est lui qui vous libère du manoir, vous avez gagné la partie !
— Il est temps de rentrer, je crois bien, annonce Annette. On a eu notre lot d’émotions pour la journée.
Nous lui emboitons le pas et redescendons l’escalier. En bas, la porte principale est ouverte sur le ciel clair de la derrière après-midi d’octobre. A l’entrée, une sorcière mal déguisée vient à notre rencontre :
— J’espère que vous vous êtes bien amusées cet après-midi, les filles. Pensez à nous laisser un avis sympa sur notre site.
— Merci madame, répond Zoé. On a eu un peu peur mais on a passé un super moment. On va vous mettre 5 étoiles !
— Est-ce qu’on peut garder le cadeau ? demande Annette.
— La peluche ? Mais c’est la tienne, pardi. Ça fait partie du jeu, ta mère nous l’a donné hier et nous l’avons installée exprès. C’est une petite astuce pour rendre le jeu un peu plus mystérieux.
— Vous voyez ? Je vous l’avais dit, annonce Clara, toute fière.
— Non, pas la peluche. Je voulais parler de la boîte, insiste Annette en montrant le cube de bois.
— Qu’est-ce que c’est que cette boite ? Je ne l’ai jamais vu. Elle vient d’ici ? demande la sorcière de pacotille.
— Oui, c’est la boîte d’Enlyr, énonce Zoé. Vous savez, celle qui permet d’entrer en contact avec les fées. On l’a trouvé sous le lit, avec la peluche.
— Entrer en contact avec les fées ? Qu’est-ce que vous me racontez les filles ? J’espère que vous n’avez rien consommé d’interdit pendant la partie !
— Mais non, pas du tout ! s'offusque Annette. Tout à l’heure, la boîte s'est ouverte et des fées en sont sorties, avec des oiseaux, des papillons. Elles nous ont dit que c'était une boîte magique…
Clara tire alors Annette par le le bras et l'entraîne vers la sortie :
— Annette, arrête, tu nous colles la honte, là. Tu vois bien qu’elle ne comprend pas ce que tu racontes.
Zoé et moi essayons de plaider en faveur de notre amie et de lui expliquer ce que nous venons de vivre. Mais la sorcière enlève son chapeau en polyester avec perruque intégrée et nous met dehors :
— Allez, les filles. Je ne sais pas ce que vous avez fait dans cette maison pendant une heure et demie mais il est temps de partir. Ouste ! Reprenez la peluche, cette boîte en bois si ça vous fait plaisir et du balai !
Dépitée, Annette prend la boîte tandis que je tiens la peluche de monstre. Nous sortons de la maison. A l’entrée de la propriété, la mère d’Annette nous attend.
Sur le chemin de gravier qui nous sépare de la voiture, je passe mon bras sous celui d’Annette et lui donne une plume couleur d’émeraude. Je l’ai ramassée avant de sortir de la chambre quelques instants plus tôt.
— Tiens, c’est pour toi. Joyeux anniversaire.
Annette me regarde pleine d’espoir. Elle me sourit.
— Merci Jeanne. Si ça, ce n’est pas une vraie plume d’oiseau féérique, je ne m’y connais pas.
Dans ses mains, la boîte s’illumine un court instant. Quatre grains lumineux s’en échappent et s’envolent vers le ciel.
— Courage, mon Annette. Je serai toujours là pour toi.
FIN
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Rendez-vous au prochain numéro, on y change totalement d’univers.